Quelques exemples de mariages susceptibles d’invalidité

Publié le par YELBH

(les exemples partent de faits réels, mais les prénoms sont inventés)

1. Monique

            À 50 ans, j’étais une femme comblée. Augustin, mon mari, avait une belle situation et en était très heureux. Nous avons cinq enfants qui ne m’ont jamais fait regretter d’avoir abandonné ma vie professionnelle.

            Comme les enfants avaient moins besoin de moi, je m’étais engagée dans une association d’aide aux femmes seules. C’est un grand lieu d’échange qui oblige à se remettre en question. Petit à petit, j’en suis venue à me demander si Augustin, que j’aimais vraiment, me rendait tout l’amour que je lui portais. Les autres femmes, bénévoles de l’association, me parlaient de la complicité, de la délicatesse de leur époux, même à 50 ans. Les bénéficiaires de l’Association m’expliquaient ce dont elles rêvaient pour leur vie.

            Un soir, mon dernier fils, interrogeant son père sur son prochain déplacement professionnel, lui demanda ironiquement : et Flavie sera là ? – Qui est Flavie ? ai-je de suite rétorqué ! Augustin se lança dans une explication confuse au sujet de cette collaboratrice. Nous ne pouvions pas en discuter devant notre fils.

            Quand Augustin rentra de voyage, j’abordais de nouveau la question. Augustin fut franc : c’est dans son caractère. Je poussais les questions et Augustin avoua que quand il sortait avec Flavie… Je le sommais de choisir et il est parti. Nous sommes maintenant divorcés.

            Augustin avait toujours été comme il est maintenant. Je me demande donc s’il ne me trompait pas déjà pas au début de notre relation. Un ami m’a dit que j’avais une bonne chance d’obtenir la nullité de mon mariage puisque Augustin ne s’est pas engagé à vivre dans la fidélité.

    Effectivement, le mariage exige l’engagement à la fidélité. Mais c’est une autre chose que l’adultère : quelqu’un peut s’engager à la fidélité et ne pas la respecter (faiblesse, moment d’égarement, succomber à la tentation etc.). Dans ce cas, il n’y a évidemment pas de nullité de mariage.

    L’enquête portera sur l’intention d’Augustin au moment de se marier. Menait-il une vie droite ou au contraire déjà pleine d’aventures ? Avait-il changé de vie en rencontrant Monique ?

Les preuves pourront être difficiles à trouver, surtout si le mariage est ancien.

2. Élisabeth

J’avais 20 ans quand j’ai fait la connaissance d’Édouard qui lui en avait 32. Nos parents étaient en relation d’affaires. Édouard souhaitait que je sorte avec lui, mais, quand il allait au théâtre ou dans les musées, c’est une certaine Catherine qui l’accompagnait. Comme moi, je n’aimais pas trop ça, ça ne me faisait rien.

Au bout de 3 ou 4 ans, mes parents m’ont posé la question sur mes intentions vis-à-vis d’Édouard. Je sentais aussi que ses parents exprimaient la même chose, même Catherine que j’avais fini par supporter. Nous nous sommes donc fiancés. Et c’est à cette époque que Catherine s’est mariée.

Peu après, nous nous sommes mariés et avons eu rapidement deux garçons. J’étais comblée. M’occuper des enfants, c’était le rêve, surtout avec l’argent dont je disposais. Édouard sortait toujours beaucoup. Je savais de moins en moins ce qu’il faisait. J’ai su un jour que Catherine avait divorcé.

Un été, six ans après notre mariage, je devais partir en vacances avec les enfants. Comme ma voiture était en panne, Édouard m’a prêté la sienne puisqu’il prenait l’avion. Un portable sonna dans la voiture ; je l’ai pris sans faire attention : c’était celui d’Édouard. J’ai vu le message : Catherine lui fixait rendez-vous dans un hôtel. J’étais hors de moi. J’ai rappelé Catherine. Elle ne s’est pas cachée pour me dire que leur liaison durait depuis longtemps. Elle voulait épouser Édouard, mais ses parents s’y étaient opposés. Elle avait pris le premier venu et en a été malheureuse. Depuis son divorce, elle retrouvait Édouard de temps à autre… comme avant notre mariage, a-t-elle ajouté cyniquement !

Édouard m’a épousée sans amour, alors que moi je l’aimais. Il voulait avoir une jolie femme à son bras, ce que n’était pas Catherine. Mais c’est elle qui avait son cœur. Il m’a joué une infâme comédie. Ça ne peut pas être un mariage. Maintenant que j’ai rencontré un homme sincère, je voudrais pouvoir l’épouser devant Dieu.

    Effectivement, le mariage exige l’engagement à l’unité. Il n’est donc pas question d’avoir deux épouses en même temps.

    L’enquête portera donc sur l’intention d’Édouard au moment de se marier. S’il avait vraiment renoncé à Catherine et qu’il ne l’a retrouvée que parce qu’il était malheureux avec Élisabeth, il n’y aura pas de nullité. On revient au cas de Monique. Au contraire, s’il n’avait pas renoncé à Catherine, il y aura nullité. L’enquête pourra être difficile si l’on ne découvre pas d’éléments objectifs ou si les personnes concernées se taisent ou ne parlent pas franchement.

3. Julien

            J’ai vécu une adolescence très heureuse grâce une bande de copains et copines du lycée. Le hasard des concours m’a envoyé à l’autre bout de la France avec Émilie et deux autres copains. Je pressentais qu’Émilie comptait pour eux. C’était la plus jolie fille du lycée. Aussi, je fus très surpris et très content qu’Émilie veuille sortir avec moi.

            Au bout de trois ans, notre histoire a pris plus d’importance et nous avons décidé de ne plus louer qu’une seule chambre. Mes parents auraient pu l’apprendre et j’ai préféré prendre les devants en leur annonçant notre intention de nous fiancer. Je savais qu’Émilie leur plairait.

            Deux ans plus tard, tout notre groupe du lycée se retrouva. Ce fut une grande fête joyeuse et Émilie ne se gêna pas pour lancer des invitations à notre futur mariage y compris à Aurélien, le ténor du groupe. À l’approche de notre mariage, Émilie semblait très énervée. Pour un oui ou non, elle appelait Aurélien sous le prétexte qu’il sait tout faire.

            Notre voyage de noces fut une catastrophe. C’était la première fois qu’Émilie et moi étions en tête à tête si longtemps. D’habitude, il y avait toujours les copains de la fac pendant la semaine, et les familles, le dimanche. Émilie n’était jamais contente… sauf quand son mobile sonnait ! C’était son père, disait-elle, qui expliquait l’avancement des travaux dans notre appartement.

            Au retour, nous avons commencé à travailler l’un et l’autre. Je rencontre Aurélien, heureux de me dire qu’il a trouvé du travail à Bruxelles. Émilie y allait régulièrement et elle ne m’avait rien dit pour Aurélien. Je la questionne. Elle demeure très évasive. Peu après, elle repart à Bruxelles en laissant une lettre où elle me dit ne m’avoir jamais aimé. Elle a dû m’épouser à cause de nos parents qui nous ont fiancés trop vite. C’est Aurélien qui est l’homme de sa vie. Nous avons été mariés, si l’on peut dire, trois mois !

    Effectivement, le mariage exige un engagement pris librement. Parfois, les histoires d’amour démarrent tôt, au lycée par exemple. Petit à petit les familles, les copains pensent que le couple est formé. Et les jeunes gens sont comme mariés même si la cérémonie n’aura lieu que des années plus tard. À l’approche du mariage, si l’un ou l’autre change d’avis, il se sent comme pris dans un engrenage et ne peut plus reculer. Sa liberté n’est plus totale.

    L’enquête portera sur les intentions des jeunes gens. Que cherchaient-ils réellement en cohabitant ? se préparer au mariage ou faire des économies de loyer ? Que cherchaient-ils au moment du mariage ? Un nouveau départ ou faire plaisir aux parents ? Savaient-ils clairement se parler de leurs intentions ? Les éléments de preuve seront des confidences faites à tel ou tel, l’observation de l’évolution de leur couple, la courte durée du mariage, l’aveu des intéressés etc. Une expertise psychologique n’est pas à exclure.

4. Hélène

            J’avais rencontré Alexandre à l’hôpital. Il était interne en pédiatrie et moi, orthophoniste. En discutant, je me suis aperçue que c’est l’amour des enfants qui nous avait fait choisir ces métiers. Alexandre ne parlait pas beaucoup : il était très réservé. Il plaisait à mes parents à cause de son éducation, sa tenue, sa gentillesse, sa culture, sa foi aussi. Nous sommes d’une famille plutôt traditionnelle et ce sont des valeurs auxquelles nous sommes très attachés. Mes parents me questionnaient souvent : il te parle un peu de lui ? C’est vrai qu’il était très discret. Mais j’avais un bon contact avec sa famille. Nous nous sommes mariés : il avait 32 ans et moi 30. Nous nous sommes dépêchés de fonder une famille et, en dix ans, nous avons eu quatre enfants superbes.

            Je voulais lui faire une surprise pour nos dix ans de mariage en organisant un week-end en amoureux, à Saint-Pétersbourg. J’ai entrepris seule les démarches. J’allais chercher son acte de naissance pour le passeport et, là, j’ai découvert qu’avant de me rencontrer, il avait été marié civilement durant deux ans.

            J’ai bondi à l’hôpital lui demandant de s’expliquer. Il m’a raconté une vague histoire. À la fin, il m’a dit : “j’ai toujours voulu te parler de cette bêtise de jeunesse, mais, quand je te voyais dans ton milieu coincé, je me suis dit que jamais tu ne me comprendrais !” Je lui ai répondu que, jusqu’à nouvel ordre, ce n’était pas la peine qu’il rentre à la maison. Je ne pouvais plus accepter chez moi un homme qui avait connu une autre femme.

            Je vais demander le divorce. Mais, avant tout, je veux m’assurer que j’obtiendrai la déclaration de nullité de mon mariage religieux, le vrai mariage : il ne peut pas être valide puisqu’il est bâti sur un mensonge.

    Effectivement, le mariage est l’union de tel homme avec telle femme. Il ne peut pas être bâti sur un mensonge, même par omission, sur un élément, antérieur au mariage, mettant en cause gravement la vie conjugale. Il y aurait une erreur sur la personne ou du moins sur une qualité essentielle. L’enquête portera sur l’importance de cet élément et son caractère inconnu ou caché, consciemment ou non. Porte-t-il atteinte à la vie conjugale ?

Parmi les éléments essentiels du mariage, il y a l’ouverture du couple à la venue d’enfants. La capacité d’avoir des enfants est implicite à l’engagement. Si l’un se sait stérile avant le mariage et le cache à l’autre, le mariage est nul. Si cette stérilité n’est connue du couple qu’après le mariage, le mariage n’est pas nul. Ce n’est donc pas la stérilité qui rend nul le mariage, mais le fait de la cacher, voire simplement de ne pas en avoir parlé si on le savait.

Dans le cas ci-dessus, Hélène, d’éducation traditionnelle, ne pouvait que se marier avec un homme n’ayant pas connu d’autre histoire d’amour. Alexandre s’en doutait un peu puisqu’il ne le lui a pas dit. Cette omission lui a permis d’épouser Hélène. Il y a donc une forme de tromperie pour obtenir le consentement conjugal.

5. Olivier

            Étudiant en agronomie, je suis parti à 22 ans pour la Pologne bénéficiant d’une bourse d’échanges avec mon IUT. D’origine agricole, je rêvais de pouvoir moderniser l’exploitation familiale et diffuser les produits de la ferme. J’ai rencontré là-bas Dolorès, une jeune espagnole, qui avait un peu la même histoire que la mienne.

            Nous avons uni nos préoccupations et un peu aussi nos solitudes. Au bout de quelques mois, nous partagions la même chambre. Et, un beau jour, Dolorès était enceinte. Nous étions heureux et nous avons échafaudé un projet pour annoncer cela à nos parents et envisager l’avenir : j’achevais mon cycle de formation tandis que Dolorès rentrait chez elle et, une fois la naissance arrivée, nous célébrions notre mariage et nous nous installions dans l’exploitation familiale en Flandre.

            L’accueil fut extra en Espagne. Notre petit Esteban fut le bienvenu. Mais Dolorès retardait sans cesse notre départ vers la France. Moi, patient, j’essayais de trouver du travail. C’était difficile : mon espagnol était insuffisant et je n’avais pas de diplôme reconnu. Tout le temps que je passais à chercher du travail m’éloignait de Dolorès et d’Esteban,

            Un beau jour, j’en ai eu marre. J’ai pris Esteban et je suis retourné en France, chez mes parents. Trois jours plus tard, j’ai vu arriver Dolorès qui se disait toujours amoureuse. Mais il n’y avait rien à faire : elle ne pouvait vivre qu’en Espagne et Esteban était son fils. Nous nous sommes quittés très fâchés dans une impossible entente.

            J’ai engagé la procédure de divorce. Le procès n’est pas facile, à cause des problèmes de nationalité et la famille de Dolorès fait tout pour récupérer Esteban. Je cherche aussi à obtenir l’annulation de mon mariage religieux. Je pense que je n’ai pas assez évalué tout ce que représentait pour moi le mariage avec une non française  De plus, aux yeux de mes parents, il fallait que j’épouse le mère de mon enfant. Tout cela fait que je ne me suis pas engagé en toute liberté.

 

    Le mariage, c’est quitter son père et sa mèrepour ne faire plus qu’un avec son conjoint. Ne pas comprendre cela altère la validité de l’engagement.

    L’enquête portera sur l’intention des jeunes gens au moment de se marier. Ont-ils réalisé les implications concrètes de leur union ou ont-ils seulement manqué de courage pour les réaliser ? Pouvaient-ils se détacher de leurs familles ? La naissance a-t-elle provoqué le mariage ou seulement avancer la date du mariage ?

Le mariage ne sera déclaré nul que si on apporte la preuve de la mainmise familiale sur l’engagement des jeunes gens. On parle alors d’un manque de liberté interne. L’enquête sera délicate et nécessitera peut-être une expertise psychologique.

6. Grégory

            Avec les copains de ma cité, j’arrangeais des mobylettes, puis des voitures. J’ai raté mon C.A.P., car l’école ne me disait rien. Quand j’avais dépanné leur voiture, souvent les copains me payaient un coup à boire. Au boulot, mon patron n’aimait pas ça. Aussi, quand l’armée m’a proposé de m’engager après le service, j’ai marché et me suis trouvé diéséliste sur un bateau. J’ai fait le tour du monde. Je ne vous dis pas les virées aux escales ! Quand je rentrais dans la cité en permission, les filles me couraient après, à cause du pompon rouge de mon bel uniforme de marin !

            J’étais bien avec Vanessa. Ses parents n’aimaient pas trop que je reste dans la Marine. Tout le monde a été content de savoir que mon engagement ne serait pas renouvelé. Mais je n’ai pas dit la vraie raison. Je n’étais pas bien noté à cause de mes cuites. Vanessa et moi, on s’est marié. Mon ancien patron m’a repris pensant que mon passage à l’armée m’avait changé. Quelques mois plus tard, il m’a viré. Ne rien faire n’a pas arrangé les choses. Un jour que j’étais saoul, j’ai même frappé Vanessa. Ses parents ont dit que cela ne pouvait pas durer. On a divorcé à l’amiable, sinon ils révélaient toutes les conneries que j’avais faites.

            Ça m’a fait réfléchir. Un ancien bon copain m’a aidé. J’ai rencontré sa sœur aussi. Ils m’ont dit tous deux que je devais me soigner. Ça n’a pas été facile. Grâce à eux, j’ai pu retrouver un boulot. J’ai aussi compris que j’étais tombé amoureux de la sœur du copain. On voudrait se marier. Elle tient à se marier à l’église. Cette fois, c’est du sérieux, tandis qu’avec Vanessa, je ne savais pas ce que je faisais. Le curé de la paroisse m’a dit qu’il y avait peut-être une nullité.

 

    Le mariage est un acte libre qui engage pour toute la vie. Il ne peut pas être pris par quelqu’un devenu dépendant de l’alcool ou de la drogue. Comment en effet émettre un acte libre quand c’est l’alcool ou la drogue qui dirige ? De plus, comment bâtir, dans cet état, une communauté de vie et d’amour avec une autre personne ? Bien évidemment, le droit de se marier est sacré. Mais il ne faut pas confondre mariage et cure de désintoxication. Avant de se marier, l’alcoolique ou le drogué ira se soigner. Et l’amour naissant sera un élément supplémentaire favorable à la guérison.

L’enquête portera donc sur l’état de santé de Grégory et les soins éventuels qu’il aura reçus. L’alcoolisme sera aussi replacé dans l’ensemble de la personnalité. Grégory avait-il la capacité psychologique de comprendre ce que veut dire la vie couple et de la réaliser ?

En conclusion

Chaque situation est toujours unique. L’Église s’efforce d’en tenir compte. Elle accomplit là sa mission de vérité et de paix vis-à-vis de ceux qui souffrent dans leur vie familiale. Il ne faut pas hésiter à se renseigner.

L’Église défend aussi la valeur du mariage religieux, cadeau (sacrement) donné par le Christ à tous les hommes. Elle ne peut donc se rallier à cette idée : on ne s’aime plus, on se sépare. Elle encourage les époux à faire grandir chaque jour leur amour… et à se pardonner comme le Christ nous pardonne.

La invalidité d’un mariage est donc chose rare, sinon ce serait faire peu de cas de la parole humaine, du “oui” échangé un beau jour. Les époux divorcés, les divorcés qui se remarient civilement, ont toujours à se remettre sous le regard de Dieu pour faire la lumière sur leur vie et, le cas échéant, demander sa miséricorde.

 

http://catholique-lille.cef.fr/page/agir/officialite/

Publié dans Sacrement

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